Felix Diamond
AutoPassion
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La popularité des voitures électriques explose et cette tendance est là pour rester. Il y a à peine 5 ans, peu de véhicules électriques proposaient une autonomie supérieure à 300km. À l’époque, ce « nouveau » type de voitures se voulait plutôt une niche pour les adeptes de technologie et/ou de performance. En marketing, ce type de consommateurs se nomment « innovateurs » ou « adopteurs précoces ». Mais pour qu’un nouveau produit technologique sorte de sa niche et devienne populaire auprès de la majorité, il lui faut une rupture, quelque chose qui fera en sorte que monsieur madame Tout-le-Monde opteront pour ce produit non pas pour sa technologie, mais parce qu’il amène une réelle solution au quotidien. Pour l’auto électrique, cette rupture est l’autonomie et au Québec, c’est l’autonomie en plein hiver!
C’est dans cette optique que mon ami journaliste automobile William Clavey et mon équipe d’AutoPassion avons décidé de se lancer dans une aventure qui démontrerait au Québec en entier que la voiture électrique a dépassé cette rupture et que l’autonomie en hiver n’est plus un obstacle.
Un trajet ambitieux, une voiture capable
C’est le 18 janvier au matin que William m’a appelé pour me dire qu’il avait trouvé le concept parfait. Partir de Boucherville sur la Rive-Sud de Montréal pour se rendre jusqu’à Manic-Cinq, et ce, en une seule journée. Afin de réussir cette expédition hivernale de près de 900km jusque-là inédite, le choix de notre vaisseau s’est arrêté sur le Kia Niro EV, l’un des meilleurs véhicules électriques de moins de 50 000$ sur le marché selon nous.
Jumeau mécanique du Kona, son cousin chez Hyundai, le Niro EV est alimenté par une batterie de 64 kWh, développant une puissance de 201 chevaux et 291 lb-pi de couple, capable de le propulser de 0 à 100 km/h en seulement 6,6 secondes. Dans notre cas toutefois, l’avantage du Niro EV n’était pas au niveau de sa puissance, mais plutôt son autonomie de 385 km en condition optimale. L’espace et le confort de son habitacle étaient aussi des aspects importants, car le 18 janvier au matin, je me réveillais tout juste d’une vilaine chute m’ayant causé une fracture à la jambe ayant nécessité une opération et un plâtre… Malgré tout, rien n’allait m’arrêter de me lancer dans une telle aventure et l’inconvénient de la jambe n’allait qu’ajouter au côté épique de l’expédition!
Manic-Cinq, une destination qui touche l’imaginaire
Tout commence il y a 214 millions d’années lorsqu’un météorite s’écrasa dans la région qui portera plus tard le nom de Manicouagan, créant le 5e plus gros cratère de ce type sur la planète. Au fil du temps, ce gigantesque trou se remplit d’eau et c’est à l’embouchure de sa rivière située au sud qu’à l’automne 1959, les travaux d’Hydro-Québec débutèrent pour ériger ce qui allait devenir, encore à ce jour, le barrage à voûtes multiples et à contreforts le plus grand au monde. Grâce à ses 214 mètres de haut, 1 314 mètres de long et 60 mètres de large, ce barrage ne retient rien de moins que 135 milliards de mètres cubes d’eau!
Les centrales hydroélectriques Manic-5 et Manic-5 PA (puissance additionnelle) permettent à ce chef d’œuvre d’ingénierie de générer jusqu’à 660 MW d’énergie propre, alimentant le Québec en électricité et permettant du même coup à Hydro-Québec d’exporter ses surplus énergétiques en Ontario, au Nouveau-Brunswick et même dans le nord-est des États-Unis. Ce barrage, portant le nom Daniel Johnson, est le symbole de l’électricité propre au Québec, le premier ouvrage d’envergure en son genre et en un sens figuré, la source de l’électricité qui alimente les bornes électriques permettant l’essor des véhicules électriques.
Pourquoi Daniel Johnson?
C’est le 26 septembre 1968 que le complexe Manic-Cinq devait être inauguré par le Premier ministre du Québec Daniel Johnson, en compagnie d’autres hommes politiques de l’époque. Dans une photo désormais célèbre, on peut même l’apercevoir tout souriant serrant la main de l’ancien premier ministre Jean Lesage et du futur premier ministre René Lévesque. Malheureusement, quelques heures plus tard, Johnson meurt d’une crise cardiaque pendant son sommeil. La mort du PM sème la consternation au Québec. La cérémonie d’inauguration est annulée.
Elle sera finalement reprise par son successeur Jean-Jacques Bertrand un an plus tard, le 26 septembre 1969. En son honneur, Bertrand inaugure le barrage en le rebaptisant barrage Daniel-Johnson.
C’est un départ!
C’est donc le 13 février à 5h du matin, quelque part entre Boucherville et Longueuil, que l’aventure débuta à bord de notre Kia Niro fourni par Kia Canada.
Autonomie affichée : 325km
Température extérieure : -1˚C
Pour éviter de se retrouver dans le pétrin dans la dernière phase du périple, notre caméraman Gabriel Larkin et le photographe de longue date de William, Guillaume Fournier Viau, nous suivaient à bord d’un Dodge Durango SRT, un véhicule s’adressant aux consommateurs se positionnant complètement à l’autre bout de la courbe d’adaptation d’un nouveau produit technologique.
Dès les premiers kilomètres, je sens que notre choix de véhicule est le bon. L’habitacle est spacieux et ergonomique, le système d’infodivertissement est bien conçu, affichant clairement les données de consommation et d’autonomie en plus d’être muni de la navigation. La version fournie de notre Niro est en fait la déclinaison SX Tourisme, soit la plus équipée qui soit. Son prix de détail est de 55 905$ avant les subventions gouvernementales offertes pouvant s’élever jusqu’à 13 000$.
En un rien de temps, nous nous sommes rendus à Québec pour la première recharge. Évidemment, j’avais pris soin de prévoir l’itinéraire optimal avant le départ en utilisant l’application du Circuit Électrique. Toutes nos recharges étaient donc planifiées en fonction de l’emplacement des bornes rapides (niveau 3) BRCC de 400 volts que l’on retrouve à un nombre impressionnant d’endroits, parfois assez reculés. En fait, le seul endroit où nous aurions seulement accès à une borne moins rapide de niveau 2, c’est à Manic-Cinq. Ironique non?
Direction Baie-Comeau
C’est donc après une recharge d’un peu moins d’une heure que nous avons quitté Québec avec les piles rechargées à 80%. Prochain arrêt: La Malbaie, et c’est sans trop de problèmes, outre un petit blizzard à la hauteur des éboulements, que nous y sommes arrivés. C’était mon premier « tour » en tant que conducteur et je dois avouer que la tenue de route de notre Niro m’a agréablement surprise. Son centre de gravité est bas grâce aux piles logées dans le plancher de la voiture. Le résultat est que la voiture est prévisible et offre un bon contrôle dans la neige. Le couple instantané du moulin électrique est aussi plaisant, surtout dans les côtes de ce coin de pays où mon copilote devait me rappeler à l’occasion que le but de l’aventure était de conserver l’autonomie!
Après notre arrêt à La Malbaie où nous avons dîné pendant que notre Niro EV faisait le plein d’électrons, nous sommes repartis en direction de Baie-Comeau, avons traversé la rivière Saguenay en traversier, puis avons fait une petite pause d’environ 20 minutes à Forestville pour nous assurer de nous rendre à Baie-Comeau sans manquer d’électricité.
Nous sommes arrivés à Baie-Comeau à 19h où la température était descendue à -16˚C. C’était en fait notre dernière recharge avant le vrai défi de l’aventure, la route 389 qui relie Baie-Comeau à Manic-5. Nous avons donc pris un bon souper avant de nous lancer dans ce qui allait s’avérer être toute une épreuve!
La 389, la route de l’enfer.
En déconnectant notre Kia Niro EV à la borne de Niveau 3 de Baie-Comeau vers 20h30, la température ressentie était de -30˚C. L’autonomie indiquée dans le tableau d’instrumentation était de 257 kilomètres, ce qui nous laissait un petit jeu pour parcourir les 217 kilomètres nous séparant de notre objectif. En temps normal, il n’y aurait eu aucun stress à avoir. Toutefois, vous devez savoir que la route 389 entre Baie-Comeau et Manic-Cinq est loin d’être normale, surtout en voiture électrique. Premièrement, une seule borne de recharge existe et elle se trouve à peine à plus de 30km du début de notre trajet. Deuxièmement, en 217km, on ne compte pas moins de 419 courbes et virages dans un décor complètement dépourvu de lumières. Ce n’est pas pour rien que ce tronçon est considéré comme l’une des 5 routes les plus dangereuses au Québec. Troisièmement, aucun réseau cellulaire n’est disponible à cet endroit. Quatrièmement, c’était à mon tour de conduire et après déjà plus de 13 heures à être assis, ma jambe commençait à être pour le moins inconfortable.
C’est donc dans le noir total que nous avons enchaîné les premiers 100km qui nous donnèrent l’impression d’être dans une montagne russe! Vu l’absence de réseau, le système de navigation de notre Niro n’était plus fonctionnel. La seule façon de connaître la distance qu’il restait à parcourir était de se fier à l’odomètre. Lorsque l’autonomie restante tomba sous la barre des 50km, William et moi avons pris la sage décision de complètement fermer le chauffage, tout en nous demandant si nous allions arriver un jour! Fatigué, complètement frigorifié et stressé de faire une phlébite, je commençais à remettre en question ce projet qui semblait une si bonne idée au départ.
« Si tu fais une phlébite ici mon homme, c’est la fin. Et contrairement au premier ministre Daniel Johnson qui est décédé d’une crise cardiaque au pied du barrage la veille de son inauguration, aucune chance que celui-ci porte ton nom! »
C’est à ce moment que nos collègues à bord du Durango, bien au chaud, nous dirent qu’il ne restait que 14 kilomètres selon leur GPS. C’était le plus beau moment de ma vie. Nous allions réussir notre pari! Quelques minutes plus tard à 23h17, comme prévu, se dressa devant nos yeux cernés de fatigue l’impressionnant barrage à voûtes multiples illuminées. On aurait dit un mirage au milieu du désert polaire québécois. C’était magique!
Dans un froid polaire de précisément -31˚C sans tenir compte du refroidissement éolien (-48˚C selon Météo Média), nous nous sommes empressés de brancher notre vaillant Niro sur la seule borne électrique disponible. Autonomie restante: 19km. Heureusement, Paméla Minville, conseillère en accueil et communication marketing chez Hydro-Québec, nous avait gentiment réservé cette borne de niveau 2 en se rendant elle-même sur place plus tôt dans la journée pour y passer la nuit et nous accueillir le lendemain matin.
Visite guidée du barrage et retour à la maison
Après avoir passé une courte nuit de sommeil au Motel de l’Énergie situé à un jet de pierre du barrage, nous sommes allés voir à quel point notre Kia Niro avait pu recharger ses piles. Comble de malheur, le froid extrême fit en sorte que la borne de niveau 2 rechargea les piles à un niveau nous permettant seulement une autonomie de 208km. Il faudra attendre! Heureusement, la sympathique Paméla Minville nous offrit un tour guidé à l’extérieur et même à l’intérieur du barrage. Une expérience inoubliable qui me fit réaliser à quel point nous pouvons être fiers du génie hydro-électrique québécois! Quelques heures plus tard, notre Kia Niro était prêt à repartir. C’est ainsi que nous sommes retournés sur nos pas, faisant à nouveau tout le trajet en une seule journée!
Dans cette aventure, je dois avouer qu’une profonde amitié s’est créée entre les quatre membres de notre équipage. Il n’y a rien de plus beau que de surmonter des défis en bonne compagnie. Et pour ce qui est de notre Kia Niro EV, il s’est avéré le choix le plus judicieux qu’il soit. Non seulement il a réussi à prouver que la voiture électrique avait dépassé cette rupture que l’autonomie en hiver n’est plus un obstacle dans la vie de tous les jours, mais il est aussi devenu un véhicule presque sentimental pour notre équipage. Une machine sur laquelle on peut se fier dans des conditions complètement folles et parfois dangereuses. Aujourd’hui, chaque fois que j’en croise un sur la route, je n’ai que de bons souvenirs qui me viennent en tête et lorsque je regarde celui ou celle qui se trouve derrière le volant, j’ai souvent envie de leur raconter ce que leur voiture a dans le ventre.
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