Par Felix Diamond
Chroniqueur chez AutoPassion
Véhicules à essence, hybrides, hybride rechargeables, électriques, le choix est vaste pour l’automobiliste d’aujourd’hui. Il est aussi sujet à nombreux débats…
– Les véhicules électriques polluent plus que ceux à essence !
– Faux ! Et l’électrique revient beaucoup moins cher à l’usage !
– Non, c’est pas vrai !
– Ma Tesla se rembourse toute seule et est plus vite que ton auto à gaz ! Pollueur !
– Disciple d’Elon Musk !
Si ce genre de déclarations à l’emporte-pièce entre beaux-frères peuvent faire sourire, une question demeure quand même, qui dit vrai dans tout ça? C’est ce que nous avons tenté de découvrir dans ce dossier spécial où nous nous sommes penchés principalement sur l’aspect écologique ET l’aspect économique de ce débat qui enflamme les passionnés du monde automobile – un monde qui n’en est pas à son premier débat…
Les tempêtes du passé
Depuis l’invention du tout premier véhicule à moteur à combustion en 1886, la Benz Patent Motorwagen, l’industrie automobile en a traversé des tempêtes. De l’époque où il fallait contourner les chevaux pour aller faire le plein de ligroïne chez l’apothicaire jusqu’à la pénurie de circuits intégrés d’aujourd’hui, les manufacturiers ont toujours dû faire face aux changements.
Pensez à des changements comme la construction massive de réseaux autoroutiers pendant la Grande Crise des années 30, qui a forcé les constructeurs à développer des autos plus aérodynamiques et plus rapides. Ou encore aux changements provoqués par la Seconde Guerre mondiale, lorsque des marques comme Mazda durent modifier leur chaîne de montage pour fabriquer des fusils dans des usines qui, souvent, furent bombardées par des avions assemblés par des marques comme nul autre que Ford.
De 1939 à 1945, c’est plus de 3,5 millions de Fusils Arisaka Type 99 qui furent construits dans dix arsenaux japonais, dont les usines de Mazda à Nagoya, Kokura et Tokyo.
Le Consolidated B24 Liberator est le bombardier lourd allié le plus produit de l’histoire, avec plus de 18 400 exemplaires dont la moitié furent assemblés par la Ford Motor Company.
La crise pétrolière des années 70, elle aussi, fait partie des changements qui ont secoué l’industrie en accélérant l’arrivée de manufacturiers issus de pays considérés comme émergents à l’époque – le Japon et la Corée du Sud pour ne pas les nommer, qui aujourd’hui, sont devenus des joueurs d’une importance capitale sur le marché nord-américain.
De tout temps, l’industrie a dû évoluer pour s’adapter aux changements.
L’ouragan de la crise climatique
Si tous les exemples énumérés jusqu’à présent ont été des tempêtes que les manufacturiers qui existent encore aujourd’hui ont réussi à traverser, il faut dire que ce que le monde automobile vit en ce moment est plus qu’une tempête. C’est un ouragan, causé, évidemment, par la crise climatique qui force ces mêmes manufacturiers à accélérer le virage vert. On se retrouve donc, un peu comme avec les chevaux, les moteurs à vapeur et ceux à essence du tout début du compte automobile, avec plusieurs options pour propulser nos déplacements, soit le moteur à essence, hybride et électrique. Lequel choisir? Voici notre verdict.
L’auto électrique pollue-t-elle plus que l’auto à essence?
Commençons par l’aspect écologique et ici, un peu comme en comptabilité, on a un coût fixe et un coût variable. La différence, c’est qu’ils ne se calculent pas en dollars, mais bien en tonnes métriques de CO2, et vous allez voir, c’est plutôt simple. Le coût fixe, c’est combien de CO2 est libéré dans l’atmosphère pour construire votre auto, et le coût variable, c’est combien elle va en libérer à l’usage.
À produire
Alors dès le départ, le moteur à essence a l’avantage, car c’est vrai, une auto électrique est plus polluante à produire qu’une auto à essence, faute de ses piles. À quel point? D’une à trois tonnes en moyenne, car produire l’auto électrique moyenne génère entre huit et dix tonnes de CO2, et pour l’auto à essence moyenne, on parle plutôt de sept tonnes. Mais ça, c’est en moyenne!
Observons maintenant un exemple plus concret avec deux véhicules de taille comparable. Imaginez une Mazda MX-30 et une Mazda CX-3 qui sortent de l’usine en même temps. Avant même d’avoir parcouru le moindre kilomètre, le MX-30 a déjà émis dix tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Pour le CX-3, c’est six tonnes. Il est donc 40% moins polluant à produire.
À l’usage
Lorsqu’on commence à rouler par contre, les choses changent assez rapidement. Par tranches de 20 000km, l’auto à essence moyenne émettra 5,2 tonnes de CO2, et dans le cas de l’auto électrique moyenne, en Amérique du Nord, on parle plutôt de 2 tonnes métriques.
Revenons maintenant à l’exemple de nos petits VUS Mazda. Au Québec, avec notre hydroélectricité, nos deux modèles deviennent nez à nez en matière d’émissions après un peu moins de 16 000 kilomètres. C’est donc dire que si vous parcourez 20 000 km par année comme la moyenne des Québécois, une auto électrique avec une petite batterie comme le MX-30 devient plus rentable au point de vue écologique en moins d’un an.
Par contre, si vous habitez dans un endroit où la source de votre électricité provient uniquement de centrales au charbon, alors là, ça peut prendre jusqu’à 100 000 kilomètres avant que votre MX-30 s’avère le meilleur choix environnemental entre les deux!
Maintenant, je sais très bien ce que vous vous dites en ce moment: « c’est bien beau le MX-30, on comprend qu’une petite batterie est plus écologique à produire, mais pour les gens qui n’habitent pas nécessairement en ville, ou qui doivent parcourir beaucoup de kilomètres par année, règle générale, ils veulent avoir plus que 161 kilomètres d’autonomie! ».
Vous avez raison! Donc, que se passe-t-il si on veut une auto avec une plus grosse batterie, comme une Tesla Model Y à longue autonomie par exemple?
Dans ce cas-ci, c’est quinze tonnes de CO2 qui seront générés pour produire votre Model Y, parce qu’avec une batterie de 82kWh, on en a du lithium et du cobalt sous nos pieds! Ainsi, pour devenir égal au CX-3 en matière d’émissions, on ne parle plus de 16 000, mais bien de 38 000 kilomètres. Et oui, c’est plus que le double, mais ce n’est pas tant que ça non plus considérant toute la vie utile d’une auto. Si on compare le Model Y avec ce que je considère être la meilleure auto au monde pour rouler au quotidien avec sa famille – une Mercedes-AMG E63 s, qui est aussi un vrai siphon, alors là, les courbes d’émissions de CO2 se croisent à 16 600 kilomètres, et ressemblent drôlement à celles du MX-30 et du CX-3!
Alors, je comprends que tout ça fait beaucoup de chiffres, mais ce que vous devez retenir ici, c’est que premièrement: ces chiffres-là sont ceux de l’institut des sciences et technologies du Luxembourg, qui est l’une des meilleures sources disponibles dans le domaine en ce moment. La deuxième chose à retenir, c’est que si vous parcourez environ 20 000 kilomètres par année, l’auto électrique sera toujours plus écologique que l’auto à essence, souvent même en moins d’un an à modèles comparables! Mais, il y’a aussi un gros bémol à mentionner ici par souci d’impartialité.
Le bémol hydroélectrique
Les chiffres mentionnés ci-haut, ça, c’est pour nous au Québec avec notre hydroélectricité! Si l’électricité de votre borne de recharge provient d’une source plus polluante, la donne change, et dans certains cas, il serait même faux de dire que l’auto électrique est plus écologique.
Il faut aussi reconnaître que, oui, l’hydroélectricité produit moins de gaz carbonique qu’une centrale au charbon. Mais selon une étude récente menée par des chercheurs québécois et publiée dans Nature Geoscience, tous les barrages hydroélectriques de la planète seraient responsables d’environ 6% des émanations de méthane dans l’atmosphère liées à l’activité humaine – un gaz beaucoup plus nocif pour l’environnement que le CO2.
Le bémol du cycle de vie
Une autre chose à considérer, c’est qu’il est vrai que les autos électriques polluent plus après leur cycle de vie, car dans le meilleur des cas, c’est seulement 60 à 80% des composantes de leur batterie qui pourront être récupérées. Notez toutefois que cette donnée-là est incluse dans les chiffres présentés.
D’ailleurs, il est intéressant d’observer qu’après 150 000 km, les émissions de CO2 générées par la batterie d’un MX-30 pendant tout son cycle de vie ET son cycle de recyclage, sont moins importantes que celles générées uniquement pour sortir le pétrole de son puits jusqu’au réservoir de votre CX-3. Et je ne parle pas de le brûler! Simplement de le pomper, l’envoyer dans un pipeline, le raffiner, le transporter par bateau, l’entreposer, et le mettre dans un camion-citerne qui le transvidera dans les pompes sous votre station-service du coin!
Donc quand j’entends dire que le lithium pollue, c’est vrai. Mais soyons réalistes, ce n’est rien à comparer ce que l’industrie pétrolière génère, qui se calcule en millions (voir milliards) de tonnes de CO2 chaque année.
Maintenant, tout ce que vous venez de lire est pour l’aspect écologique, qui est un aspect important, mais ce n’est pas le seul. Il faut aussi les acheter ces autos électriques, et ce n’est pas toujours donné! Donc la seconde question sur laquelle nous nous sommes penchés est : à partir de quand le choix de faire le saut vers l’électrique devient rentable?
L’auto électrique est-elle un meilleur choix économique que l’auto à essence?
Ici, prenons le Hyundai Kona en exemple, puisque c’est un modèle qui est disponible en version à essence ET en version électrique.
La différence de prix entre un Kona Preferred à essence et un Kona Preferred Électrique au moment d’écrire ces lignes est d’environ 11 500$. Précisons dès le départ que ce chiffre tient compte des taxes, des frais de transport, des subventions, de l’achat et de l’installation d’une borne électrique, bref, tout le tralala.
Alors, toujours en considérant que vous parcourez 20 000 km par année, que le Kona à essence a une cote de consommation combinée de 7,7L/100, que le prix de l’essence est à 1,60$/L, on se retrouve avec une facture de 2 464$ par année en carburant. Dans le cas du Kona Électrique, avec une consommation moyenne de 0,174 kWh/km, fois 20 000km, fois 10,79 cent/kWh (qui est le tarif normal d’Hydro-Québec taxes incluses que vous paierez en rechargeant sur votre borne à la maison), on arrive à 375$ d’électricité par année.
Donc théoriquement, dans ces conditions-là, ça prendrait tout de même cinq ans et demi avant qu’opter pour le Kona Électrique s’avère un choix rentable par rapport à celui d’opter pour le Kona à essence. Si vous parcourez plutôt 40 000 kilomètres par année, coupez cette période de moitié.
Et ça c’est l’exemple du Kona, mais on a fait le même exercice avec plusieurs autres modèles, et dans tous les cas, le résultat était toujours sensiblement entre trois et six ans, à l’exception du Ford F-150, où rentabiliser votre XLT Lightning par rapport à votre XLT à essence prendrait huit ans et demi. Mais, encore là, soyons de bon compte, si vous devez remorquer pratiquement tous les jours et que votre consommation d’essence avoisine davantage les 20L/100 km que les 11,8L/100 km combinés affichés par Ford, le F-150 Lightning deviendra plus pertinent beaucoup plus rapidement!
Un véhicule PHEV est-il plus économique qu’un véhicule électrique?
Maintenant, faisons l’exercice avec les mêmes variables, mais avec un véhicule hybride rechargeable de taille semblable au Kona, comme le Kia Niro PHEV par exemple, dont le prix se situe pratiquement à mi-chemin entre celui du Kona à essence et celui du Kona Électrique. Considérons aussi que la moitié de vos 20 000 kilomètres parcourus sont en mode 100% électrique.
Dans ce cas-ci, l’option PHEV commencera à être plus rentable que celle à essence en 3 ans. Si c’est plutôt les trois quarts de vos 20 000 kilomètres par année que vous parcourrez en mode 100% électrique, votre Niro PHEV se rentabilisera après un peu plus de 2 ans par rapport au Kona à essence, soit plus nettement plus rapidement qu’avec un Kona Électrique.
Alors, que faut-il retenir de tout ça?
Pour l’aspect économique, on réalise finalement que ça peut être assez long avant que l’auto électrique devienne un choix rentable pour l’automobiliste québécois moyen qui parcourt 20 000 kilomètres par année, ce qui représente environ une soixantaine de kilomètres par jour.
Le coût d’option
Évidemment, l’argument de la valeur de revente de l’auto électrique qui risque, dans presque tous les cas, d’être supérieure à celle de l’auto à essence est un argument valable dans ce débat. Un bel exemple est justement le Kona Électrique 2021 que nous avions à l’essai, dont le prix de vente demandé était légèrement supérieur à celui d’un Kona Électrique 2023, et sachez que le modèle 2023 a subi une refonte de milieu de cycle qui le rend encore plus désirable! Donc en à peine deux ans, on peut dire que les acheteurs de Kona Électrique ont fait une très bonne affaire… S’ils revendent après deux ans.
Parce qu’il faut aussi garder en tête que si votre objectif est de garder votre auto électrique pendant cinq ans, le surplus que vous allez payer pour elle dès le départ, c’est de l’argent qui ne pourra pas travailler pour vous dans le temps en fructifiant dans vos placements, surtout si ce montant est financé aux taux d’intérêt actuels. Pensez-y, à 11 500$ de différence entre votre Kona Électrique et votre Kona à essence, 8 000$ entre votre Nissan Leaf et votre Nissan Kicks, 7 200$ entre votre Volkswagen ID.4 et votre Volkswagen Tiguan, ou 27 250$ entre votre F-150 et votre F-150 Lightning, le calcul vaut la peine d’être fait!
Le bémol du coût d’entretien vs. coût de la batterie
Règle générale, les coûts d’entretien d’une auto électrique sont beaucoup moins élevés que ceux d’une auto à essence. Évidemment, le type d’auto, sa fiabilité et votre conduite peuvent grandement changer la donne! C’est pour cette raison d’ailleurs que nous n’avons pas inclus les frais d’entretien dans nos calculs de rentabilités plus haut. Même si votre grand-mère fait 50 000 kilomètres par année en Range Rover, l’un des manufacturiers les moins fiables selon J.D. Power, ses frais d’entretien risquent tout de même d’être moins élevés que ceux de Max Verstappen au volant d’une Nissan Leaf! Vous voyez ce que je veux dire?
Mais ici, ce qu’il faut retenir, c’est qu’en moyenne, votre facture d’entretien annuelle devrait être de 30% à 50% moins dispendieuse si vous êtes propriétaire d’un véhicule électrique.
Par contre, la batterie de l’auto électrique n’est pas éternelle. Plus les kilomètres et les cycles de recharge s’accumulent, plus elle perdra de son efficacité. La majorité du temps, les manufacturiers remplaceront votre batterie sans frais si sa perte d’efficacité est supérieure à 20% après 8 ans/160 000 km. Or, si elle rend l’âme (ce qui est peu commun) où se détériore rapidement après cette période, la remplacer peut vous coûter jusqu’à 25 000$! Et le comble dans tout ça, c’est que dans la situation actuelle, certains doivent parfois patienter de quatre à six mois avant de recevoir leur nouvelle batterie.
Certes, avec les nouvelles technologies de piles, il y’a fort à parier que leur longévité sera grandement améliorée, mais si on se fie aux premières générations de véhicules électriques qui commencent à avoir un peu plus de vécu aujourd’hui, il n’est pas rare d’entendre des mécaniciens parler de batteries ayant perdu plus de 30% de leur capacité après 150 000 kilomètres. Alors si vous magasinez dans le marché d’occasion, gardez ça en tête, car même si les coûts d’entretien d’une auto électrique sont beaucoup moins élevés, ceux pour remplacer votre batterie peuvent venir changer la donne de façon assez considérable!
Décision, décision…
À la lumière de toutes ces données, quelle option choisir?
Pour l’environnement :
Si votre seule et unique préoccupation est l’environnement, je pense que pour nous au Québec, le débat est clos, l’auto électrique a l’avantage, à moins de vraiment vouloir faire exprès en achetant un Hummer EV et le rouler moins de 2 000 kilomètres par année.
Pour votre portefeuille :
À l’inverse par contre, si vous accordez plus d’importance à l’aspect économique, je vous suggère de sortir votre calculatrice, parce que selon le kilométrage que vous parcourez par année, ça peut finalement être très long avant que l’option électrique devienne rentable pour vous.
PHEV : Le compromis idéal?
Si vous êtes comme moi et que vous accordez de l’importance à l’environnement, mais à votre portefeuille aussi, mon opinion purement personnelle est que l’hybride rechargeable me semble être la solution la plus rationnelle, surtout avec les nouvelles générations qui offrent plus de 60 kilomètres d’autonomie. Évidemment ici, je mets de côté la performance, parce qu’en règle générale, ce ne sont pas toujours des véhicules réputés pour procurer des sensations fortes, quoi que dans certains cas, le surplus de puissance électrique peut surprendre. Mais comme moyen de transport du début ou du milieu des années 2020, à mes yeux, c’est celui qui a le plus de sens.
En espérant que toutes ces informations vous permettront de faire le choix qui correspond le plus à vos besoins et à vos priorités, qu’elles soient écologiques, économiques, ou les deux!