Par Felix Diamond
Chroniqueur chez AutoPassion
La popularité des grandes berlines de luxe a beau s’être estompée au profit des VUS depuis quelque temps, il n’en demeure pas moins qu’elles me fascinent. Dire qu’elles sont de grosses limousines modernes pour les plus riches, c’est vrai, mais en même temps, c’est aussi de passer complètement à côté du point, car elles sont pas mal plus que ça en fait. Elles sont le sommet de la pyramide automobile. Ce sont elles qui permettent aux manufacturiers de mettre toute la gomme pour littéralement en faire des vitrines de leur savoir-faire. Et en ce moment, le manufacturier qui a le plus à gagner en faisant valoir son savoir-faire, c’est Genesis, et la nouvelle G90, c’est leur vitrine.
La G90 2023 peut-elle détrôner la Classe-S?
C’est incontestable, la Classe-S de Mercedes-Benz est la reine du segment depuis des décennies. Est-ce que la nouvelle G90 peut espérer la détrôner? La réponse: absolument pas. Rien ne peut battre une Classes-S car primo, c’est le summum de ce que peut faire la marque que plusieurs considèrent être la meilleure au monde, et secundo, les gens qui l’achètent veulent avoir l’étoile Mercedes sur leur capot justement pour montrer qu’ils ont acheté le summum et qu’ils ont réussi à réaliser leur rêve. Personnellement, je respecte ça.
Par contre, avec un prix entre 150 000$ et 200 000$ avec un peu d’options, acheter une Classe-S est un rêve difficilement réalisable pour le commun des mortels, et ça, c’est précisément ce que Genesis a compris. La G90 a beau être un peu moins sophistiquée et moins prestigieuse, à 115 000$, elle permet à une plus vaste portion de la population de réaliser leur rêve – celui de se pavaner en grande berline de luxe.
La question qui se pose maintenant est: est-ce que la version sud-coréenne de ce rêve, construite par la division de luxe de Hyundai, une marque que plusieurs considèrent comme étant bon marché, vaut vraiment 115 000$?
Pour y répondre, débutons par observer ce que certains experts en pensent.
« La G90 est la meilleure auto sur le marché, peu importe le prix. » – Chris Theodore, père de la « nouvelle » Ford GT lancée en 2005
« On sent que la G90 vaut 100 000$ (US) et c’est le plus beau compliment que je peux faire à un véhicule qui arbore l’insigne Genesis. » – Tom Gale, designer de la Dodge Viper.
« Mercedes a complètement dominé la classe des grandes berlines de luxe depuis des décennies. Donc pour Genesis, à son troisième essai, de percer dans le segment avec quelque chose d’aussi raffiné, d’aussi convaincant, mais d’aussi différent de la Classe S, c’est épatant. » – Alex Stoklosa, rédacteur en chef associé chez Motortrend.
Pourquoi je cite ces trois experts? Car ils ont tous quelque chose en commun – ils étaient membres du jury pour le « Car of the Year » de Motortrend cette année.
Et qui a gagné? La G90.
Alors, vous comprenez que pour que des experts de l’industrie de cette trempe-là, américains en plus, nomment une grande berline de luxe sud-coréenne comme véhicule de l’année, c’est probablement parce qu’elle a quelque chose de spécial. Mais quoi au juste?
Puissance : Adéquate
La G90 2023 a beau avoir battu la Corvette Z06 pour le « Car of the Year » de Motortrend, lorsqu’on la conduit, croyez-moi, elle n’est clairement pas une Corvette, encore moins une Z06. Elle pèse tout d’abord 5200 livres et pour déplacer cette masse, elle mise sur un V6 de 3,5 litres biturbo, jumelé à une transmission à 8 rapports et tout ça c’est très bien, à condition de conduire comme un chauffeur de limousine…
En poussant un peu plus la machine par contre, on réalise tout de suite qu’un ou deux rapports de plus ne lui auraient pas fait de mal et que la réponse des turbos ne pourrait pas être qualifiée d’immédiate, loin de là. D’ailleurs, pour réduire ce « turbo lag », les concepteurs de la G90 l’ont doté de ce qu’ils appellent un e-supercharger. Pour vous imager ce système électrique de 48 volts, voyez-le comme la version syndiquée du système EQ-Boost chez Mercedes. Disons qu’il ne travaille pas plus qu’il faut lorsqu’on lui demande.
Le résultat des courses est donc que Genesis affiche la G90 à 409 chevaux et 405 lb-pi de couple, mais à leur place, je n’aurais même pas pris la peine de parler de chiffres. Je me serais plutôt inspiré de Rolls-Royce avec la Silver Shadow à l’époque et j’aurais simplement dit que la puissance est « adéquate », car en réalité, c’est ça le fond de l’histoire avec la G90! Elle n’est pas calibrée pour les excités de la route, ce qui est bien correct dans les faits, car elle s’adresse davantage aux Jean Coutu qu’aux Jean Alesi de ce monde – des gens qui veulent le confort le calme et la zénitude, et c’est précisément là que la G90 excelle.
Confort, calme et zénitude
Pour assurer notre confort, Genesis ont développé un système de suspension pneumatique qu’ils auraient littéralement pu surnommer Mohammed Ali. Grâce aux capteurs et aux caméras montés à l’avant du véhicule, il anticipe ce qui s’en vient et ajuste la garde au sol et la rigidité de la suspension pour carrément encaisser les coups avec le sourire! Sans blague, avec ce système-là, nos routes québécoises mitraillées de nids de poule se transforment presque en autoroutes floridiennes tellement on est confortable à bord. À ce point-là!
Pour ce qui est du calme et de la zénitude, Genesis n’entendait pas à rire non plus! Le meilleur exemple pour le démontrer est qu’on retrouve 26 haut-parleurs Bang & Olufsen à bord qui non seulement, nous donnent l’impression d’être devant l’orchestre symphonique de Boston, mais qui est aussi muni d’un système de réduction du bruit ambiant à l’extérieur d’une efficacité exceptionnelle. Il est si puissant et performant en fait qu’il consomme l’équivalent de deux chevaux en énergie!
Des lignes élégantes
Lorsqu’on la voit pour la première fois, la G90 a définitivement quelque chose d’imposant. À l’avant, on retrouve la signature stylistique de la marque avec la grosse grille de calandre à cinq points, un capot de type coquille très élégant, sans oublier les fameux phares en deux lignes qui se prolongent sur les côtés.
Les jantes de 21 pouces pour leur part proposent un design tout simplement hallucinant et notez qu’elles sont directionnelles à l’arrière pour vous aider à mieux manœuvrer à basse vitesse. Sinon, une autre chose que j’aime sur les côtés est la ligne de fenêtre légèrement plongeante vers l’arrière, c’est très subtil, mais l’idée est de pouvoir offrir une meilleure visibilité aux passagers, c’est très bien pensé!
Finalement à l’arrière, on retrouve encore une fois le thème des deux lignes avec les feux qui intègrent par ailleurs les DEL les plus minces de l’industrie. Le tout est très élégant, et l’élégance est d’ailleurs ce que la G90 dégage globalement, car peu importe quel élément stylistique on observe, ses lignes et ses proportions, tout est élégant. En personne, croyez-moi, cette auto a toute une prestance!
Habitacle sensationnel
À l’intérieur, l’élégance est aussi au rendez-vous et selon moi, ça ne fait aucun doute que c’est en très grande partie l’habitacle de la G90 qui a convaincu les juges de Motortrend d’en faire leur véhicule de l’année.
Dès le premier coup d’œil, on constate que la présentation est très épurée et très stylée. Les cuirs sont d’une qualité exceptionnelle, les surfaces en fini marbré ajoutent à son caractère raffiné et la forme assez unique du tableau de bord avec la section au centre qui remonte vers le volant crée une séparation entre les deux écrans, en plus de bien diviser le poste du pilote de celui du copilote. C’est vraiment très beau!
Ce que j’aime particulièrement aussi, c’est que si tout semble épuré au premier coup d’œil, à l’usage, on finit par découvrir un bouton ici pour telle fonction – comme le lecteur digital pour démarrer l’auto, un autre bouton par là pour telle autre fonction – comme ouvrir ou fermer les portes par exemple, et une fois qu’on les a tous découverts, on réalise à quel point la G90 est un chef-d’œuvre d’ergonomie. Et Dieu merci, Genesis n’a pas suivi la tendance de certaines Allemandes, où absolument tout est tactile et nécessite de passer par plusieurs menus pour accéder à des fonctions de base comme changer les postes de la radio.
Ceci étant dit, je dois avouer que les Allemandes ont toujours l’avantage au point de vue technologique. Certes, les deux écrans sont superbes et leur infographie est intuitive, mais soyons honnêtes, la Classe-S et la Série 7 demeurent encore durs à battre à ce chapitre. En fait, les concepteurs de la G90 ont adopté une approche plus élégante que tape-à-l’œil technologiquement, ce qui n’est pas surprenant quand on sait que ses designers sont des transfuges de chez Bentley. Et sachant aussi que les Allemandes perdent en moyenne plus de 50% de leur valeur après 5 ans, en grande partie faute de leurs habitacles à la fine pointe qui deviennent rapidement désuets et dispendieux à réparer, je suis curieux de voir comment le système multimédia un peu plus simple de la G90 affectera sa dépréciation au fil du temps. Imaginez la facture pour réparer un problème de pixels défectueux dans l’Hyperscreen de votre Mercedes EQS. Ouch!
À l’arrière de la Genesis G90, on a droit à un siège de type Lazy-Boy, mais seulement du côté passager pour ne pas écraser le chauffeur, évidemment. Lorsqu’on prend place à cet endroit, on est archi confortable et le dégagement pour les jambes et la tête est énorme. Mais le plus impressionnant à mes yeux est lorsqu’on descend l’appuie bars où une console avec écran tactile s’offre à nous pour contrôler à peu près tous les paramètres de l’auto. Honnêtement, cette console n’a rien à envier à celle de la Classe-S. C’est vraiment bien fait! On a même un compartiment dans l’appuie bras pour y mettre notre téléphone et le désinfecter, car Genesis ont poussé leur attention aux détails jusqu’à mettre des lumières UV qui tuent les germes.
Finalement, une caractéristique qui peut paraître un peu inutile à première vue, mais qu’on ne peut plus se passer après y avoir goûté, c’est les portes qui s’ouvrent et se referment toutes seules simplement en appuyant sur un bouton dans la porte ou sans la console. C’est ce que j’appelle le grand luxe!
En conclusion
Puisque la G90 est une grande berline de luxe, malheureusement pour elle, elle ne peut pas se sauver de la comparaison avec la Classe-S et évidemment, elle n’est pas encore au même niveau. Je pense qu’un peu de travail reste à faire sur certaines facettes, principalement au niveau du moteur et du système de roues directionnelles qui donne une sensation un peu bizarre lorsqu’on est assis à l’arrière. À part ça, sérieusement, il ne manque pas grand-chose à la G90 pour être au niveau des Allemandes.
Et oui, c’est vrai que quand les gens vous croisent dans une limousine fabriquée par une marque sud-coréenne qui n’a même pas dix ans, probablement qu’ils ne vous verront pas autant comme étant la créma sur le dessus du cappuccino de la société, au même titre que si vous étiez en Classe-S par exemple. Mais pour ceux qui se foutent de comment les gens les perçoivent, qui se foutent du badge à l’avant, je vous le dis, avec tout ce que la nouvelle G90 offre à ce prix, elle n’est pas loin d’être parfaite.